ÉTAPE 23: VALPARAISO

ÉTAPE 23: VALPARAISO

Du lundi 4 au lundi 11 décembre 2017

A Valparaiso, mes espérances se confondent avec mes souvenirs.
Des aventures de Corto Maltese aux poèmes de Neruda, des récits de pirates jusqu’à ce dernier livre offert par ma chérie avant notre départ. Il m’a tant fait rêver ce nom…
Valparaiso, 4 syllabes qui claquent au vent, comme autant de promesses de voyages.
Je m’étais promis d’y accoster, un jour.

A Valparaiso, il y a 45 collines, ou 48, personne n’est vraiment d’accord.
On les appelle les Cerros. Chacun a un nom et une histoire.
Les plus célèbres sont le Cerro Allegre, qui regroupa longtemps les filles de joie de la ville, et le Cerro Conception, où fleurissent les églises. Les deux se côtoient.
On raconte qu’à une époque les marins de passage venaient à Allegre s’encanailler le samedi soir, avant de filer à Conception expier leurs péchés le dimanche matin.
Aujourd’hui ce sont les quartiers les plus touristiques avec restos chers et hôtels chics, à la sonorité souvent familière. 

Petite pensée pour Ludo et Auré…

Et pour Alix, qui comprendra !A Valparaiso, la moindre parcelle de mur est remplie de tags, graffitis ou fresques majestueuses.
« Un musée à ciel ouvert » comme se définit lui-même le quartier Bellavista.
C’est magnifique et… illégal! Ou plutôt, archi réglementé. Ne vous avisez pas de dessiner n’importe où un mouton ou un petit cœur, vous vous feriez probablement taper sur les doigts.

A Valparaiso, comme à Buenos Aires, les habitants s’appellent les Porteños.
Et surnomment  affectueusement leur ville « Valpo ».

A Valparaiso, comme à Amsterdam, il y a des marins qui boivent. A la santé de leur port et de sa splendeur passée.

Au milieu du 19ème siècle, on découvre un filon en Californie. C’est la Ruée vers l’or. Des aventuriers venus d’Europe et de l’est des Etats-Unis partent vers le sud à l’assaut des océans.
Après avoir affronté le redoutable Cap Horn, beaucoup d’entre eux, épuisés, trouvent en Valparaiso une escale salvatrice. Certains s’y installent.
« Le joyau du Pacifique » grandit et prospère.
Mais au début du 20ème siècle la construction du Canal de Panama, permettant l’accès entre Atlantique et Pacifique, plonge la ville dans le déclin.
Elle y restera longtemps, avant de connaître un nouvel essor ces dernières années, quand l’UNESCO décide de classer certains quartiers.

Sur le port, finis les grands galions aux cales remplies d’or ou d’espoir.
Place à des containers sans âme recouvrant la jetée.

Et aux navires de guerre qui font de l’ombre aux bateaux de pêche, tristement amarrés. Car cette activité aussi a disparu. Ou se fait désormais à grande échelle. Pour des centaines de pêcheurs, il a fallu se recycler.  Aujourd’hui les poissons sont les touristes qui veulent faire le tour de la baie, jusqu’à Vina del Mar.

A Valparaiso, la Marine est reine. On célèbre ses martyrs à tous les coins de rue. Mais elle n’a pas très bonne réputation car c’est d’ici qu’est parti le coup d’état de 1973 contre Salvador Allende . Alors, comme sur la place Sotomayor, il y a toujours un marin pour surveiller les statues, jour et nuit, histoire qu’elles ne finissent pas par ressembler à un mur de la ville.A la construction de cet édifice, on avait engagé un sculpteur français pour graver à sa base le drapeau du Chili, et ses deux animaux emblématiques, le Condor et le Huemul (le cerf de Patagonie dont on vous a déjà parlé). Ne sachant pas ce qu’était un huemul, et n’osant manifestement pas le demander, le sculpteur sans scrupules grava… un cheval !A Valparaiso, les chiens et les chats sont rois. Déambulant nonchalamment ou dormant au soleil, il y en a partout. Ignorant royalement l’activité humaine alentour. 

Forcément ils ne laissent pas toujours les rues très propres derrière eux et l’exaspération commence à poindre chez certains Porteños !

A Valparaiso, il y a 16 casernes de pompiers qui représentent chacun un pays différent. Parmi eux la France, mais aussi l’Allemagne, ou plus surprenant la Palestine et l’Arabie Saoudite !
Ici les pompiers sont bénévoles. Ne recevant aucune subvention du gouvernement -alors qu’il y a 4 ans encore a eu lieu ici un gigantesque incendie- ils peuvent compter sur la générosité de ses habitants, ainsi que sur l’aide des pays auxquels leur caserne est affiliée.


A Valparaiso, de jeunes francophones enthousiastes font visiter la ville.
Ils s’appellent Jonathan, Anouk et Mathieu et leur tour le Valp’otop. 2h de ballade à pied, d’histoires et d’anecdotes passionnantes.. et vous donnez ce que vous voulez à la fin. Idéal pour découvrir les lieux, en comprenant tout ! 

A Valparaiso, le Café des poètes est sponsorisé par Coca Cola.
Ils sont forts…
Mais il y a aussi des cafés qui sont restés dans leur jus.

A Valparaiso, on a d’abord logé dans une immense tour, blanche et laide.
Mais notre appartement était plutôt agréable, et surtout nous avions cette vue imprenable sur la ville, encore plus belle éclairée le soir.

Notre second appartement, dans le quartier du port, était entièrement rénové et vraiment confortable.

Mais les bâtiments voisins laissés à l’abandon – faute d’investisseurs on imagine- laissent une sensation amère. Que va devenir cette ville ? La protection de l’UNESCO a un effet pervers. Impossible de toucher à certaines de ces ruines «classées». Il faut donc construire par dessus en quelque sorte. Et cela décourage pas mal d’initiatives, car tout ça coûte cher. Ceux qui pourraient se le permettre à l’avenir seront très riches et… étrangers.

Toute une partie de la population locale, la plus pauvre sera sans doute contrainte de quitter ces quartiers et de s’excentrer encore davantage. Ce fameux phénomène de gentrification.

A Valparaiso, Lolo a acheté des chaussures de marche pour remplacer ses vieilles baskets usées. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour elle ça veut dire beaucoup.
A Valparaiso, même les camions poubelle ont droit à leur « graff ».
A Valparaiso il y a des crooners de rue et des musiciens qui improvisent aux feux rouges, des salles de jeu qui ressemblent à des salons de coiffure et des boutiques qui me rappellent des collections d’avant.


A Valparaiso, Johnny est mort. On a appris la nouvelle ce matin par nos amis de France. Là-bas tout semble s’être arrêté. Ici bien sûr l’événement passe inaperçu.
Etrange de voir Lolo si triste dans une ville si indifférente.

A Valparaiso, on a oublié que c’était bientôt Noël ! Assez incongru de voir des sapins et des guirlandes sous le soleil par 25 degrés.

Ici le Père Noel emmitouflé dans son gros manteau, c’est un concept.
D’ailleurs on l’a trouvé d’humeur un peu bougonne.A Valparaiso, il y a l’une des trois demeures de Pablo Neruda, la Sebastiana, qu’il partageait avec ses amis Francisco Velasco et Maria Martner.
C’est là qu’ils faisaient leurs plus belles fêtes.
Comme la Chascona de Santiago, c’est une maison magnifique, pleine de recoins, offrant surtout une splendide vue sur la ville.

Mais la plus belle des trois se trouve à quelques kilomètres vers le sud.
Neruda l’a appelée Isla Negra, l’Ile Noire. Les grands rochers sombres où viennent se fracasser les vagues lui ont inspiré ce nom.

La maison ressemble à un bateau. Elle est construite tout en longueur, avec des pièces en enfilade. Le poète disait qu’elle lui rappelait la forme de son pays.C’est ici qu’il se retira à la fin de sa vie avec Matilde et où il écrivit ses plus belles pages.

C’est aussi dans ces murs qu’il a regroupé d’incroyables collections d’objets, issues de ses innombrables voyages à travers le monde.

Du Mexique, il a rapporté des dizaines de verres de toutes les couleurs.
Il disait que l’eau avait meilleur goût lorsqu’on buvait dedans.Dans une pièce, il a installé deux figures de proue, un homme et une femme, l’une en face de l’autre. « Pour qu’ils tombent amoureux » souhaitait-il.
Puis il expliquait que ça n’avait jamais marché car si lui ne la quitte pas des yeux, elle, regarde obstinément vers la mer. 


A Valparaiso, il faut tout de même avoir un sacré souffle pour monter les milliers de marches qui parsèment la ville. Mais le spectacle en vaut tellement la peine.


    A Valparaiso, il y a aussi et heureusement de jolis ascencores, permettant de gagner les hauteurs.
Ils sont classés monuments historiques. Certains ne sont pas de toute première fraicheur mais ils ont un charme fou !

A Valparaiso, l’ancienne prison a été remplacée par un grand parc où des enfants jouent en liberté.

A Valparaiso, il y a une vieille Porteña qui porte sur son visage toute la mélancolie du monde.
A Valparaiso, je pense à Garance, cette jeune fille qui dessine avec tant de talent. Cet endroit est fait pour elle. J’espère qu’elle y viendra elle aussi, un jour.


A Valparaiso plus qu’ailleurs, se dessinent des leçons de sagesse et des déclarations d’amour. 

Mais si l’on ne devait retenir qu’un message, qui justifierait à lui seul notre merveilleuse aventure. «Le Monde est un livre, et ceux qui ne voyagent pas n’en ont lu qu’une seule page»

 

 

 

 

 

 

7 Replies to “ÉTAPE 23: VALPARAISO”

  1. Ma qué bellos coloros!! (Mais quelles belles couleurs!!)
    Bon je manque cruellement de culture pour partager à 100% vos émotions…vous me raconterez tout ça à votre retour et je ne doute pas que vous me donnerez envie de lire Pablo Neruda!
    Et Noël? Vous allez le fêter? comment ils le fêtent là bas?
    Vous allez beaucoup nous manquer… encore plus!
    muchos besos!!
    Jacqueline.

  2. Coucou !
    C’est magnifique toutes ces couleurs , et merci Etienne d’avoir pensé à moi, c’est vrai que cette ville est vraiment belle et que je m’imagine déjà dessiner là bas !
    Pleins de bisous et continuer toujours à me recharger mon imagination !
    Garance

  3. Depuis le début nous avons l’impression de voyager avec vous….merci. Mais ce récit du jour m’a particulièrement émue(ce qui n’est pas rien !!)…j’y étais à Valpo ! vous avez tous les 2 une façon de nous relater ce que vous voyez, vous ressentez, vous entendez……énOOrme merci !
    La suite ! La suite !
    Bizz de Louise, Jules et Anne-Pascale

  4. Déçus ou pas trop déçus par cette ville mythique ?
    Ce musée en plein air nous avait enchantés.
    Encore bravo pour vos extraordinaires photos et vos commentaires enrichissants !
    Moult bises à vous 3

  5. Etienne, tu as révé de Valparaiseau , tu y es allé, donc bravo tu es satisfait….je n’en ai jamais révé et ne m’y rendrai pas donc tout est bien….
    lolo, tu sais que les kilomètres à pieds ça use les souliers et même les baskets….bravo d’être chaussée de neuf….
    bisous à tous les trois et bon Noêl
    MPSV, tatie R